Good Morning England

Je suis allé voir très récemment Good Morning England : pour résumer rapidement le film pour ceux qui ne l’auraient pas vu : l’histoire se déroule en 1966, en pleines années sex, drugs and rock’n’ rool : la radio pirate « Radio Rock » diffuse ses programmes intempestifs depuis un bateau qui se trouve en mer du Nord. Celle-ci connaît du succès mais son anticonformisme irrite profondément le gouvernement britannique qui tente de la réduire au silence… On suit donc la vie sur ce bateau pas comme les autres, qui est écouté par des gens de tous milieux et (presque) de tous âge…
Donc quelques heures après l’avoir vu, je m’interroge : ai-je vraiment aimé ce film ? Sur le coup, oui : il y a des passages marrants, une ambiance générale qui détend, on se laisse bercer par ce cargo de joyeux drilles hédonistes…. On sort du film détendu, content même… Mais je me heurte au même problème qu’avec Gran Torino : quel fond, quel message ? Vous allez peut-être trouver que j’ai tendance à politiser à outrance mais quelques aspects ont attiré mon attention :

Le premier, immédiatement : la fin du film. Juste avant le générique de fin, un message annonce « il y a aujourd’hui en Angleterre plus de 300 radios musicales ». Ok, merci. Que sont ces radios musicales ? Des stations privées dont l’objectif est uniquement commercial et qui n’ont plus aucune perspective créatrice ni anticonformiste. Je trouve donc le raccourci un peu gros entre les radios pirates des années 70/80 et les radios musicales actuelles qui sont marquées par l’absence de diversité, d’originalité et le passage en boucle de quelques tubes devant se vendre à des milliers d’exemplaires. Ce détail m’a fait penser qu’en réalité la situation s’était profondément inversée : les radios publiques étaient dans les années 60/70 des lieux de réaction et de forte censure alors qu’actuellement, elles sont des lieux de diversité : RFI, France Inter et France culture offrent toutes quelques émissions géniales et subversives (même si demeurent de nombreux aspects fortement contestables comme le mode de désignation des dirigeants … A contrario, les radios privées, qu’elles soient destinées aux vieux (Europe Un, RTL) ou aux ados (NRJ, Skyrock, Fun radio) vont toutes dans le même sens : du près à consommer et à penser, de l’individualisme à outrance, en un mot : le renforcement de l’ordre établi… Le fait que ce film s’achève en se félicitant de la multiplication des radios musicales –qui ne sont plus que des robinets à musique et à émissions diffusant des stéréotypes- m’ennuie donc profondément…

Le second aspect qui a retenu mon attention, c’est l’image de la femme : nulle présence féminine sur ce bateau si c’est une lesbienne qui par ailleurs est chargée de nourrir la troupe : la femme à la cuisine, wouhouh ! vive les années 60 et l’émancipation féminine ! Les autres femmes ? Elles sont invitées une fois par semaine et sont de la chair à canon, sans que cela aient l’air de leur déplaire, au contraire. Ah non, j’oubliais : elles sont aussi source de division au sein du groupe à cause des trahisons qu’elles engendrent… Elles n’ont donc à aucun moment une fonction valorisante : elles ne sont bonnes qu’à coucher, cuisiner et danser… Bizarre, je ne m’imaginais pas les femmes des années 60 de telle manière…
Qu’en pensez-vous, camarades de tous bords ? Je vais trop loin ou cette impression est-elle fondée ?

Schnouff revient et le forum revit !

En fait, j suis assez d'accord sur ton premier point : le film se gargarise du nombre de stations comme une victoire, ça y est, l'histoire a tranché, la lutte est terminée, on a gagné. Ca, c'est ce qui est écrit, concrètement. Par contre, le message du film, pour moi, ce n'est pas ça du tout. Le vrai message serait quelque chose comme "la musique est à ceux qui la vivent", "on ne peut pas règlementer la diffusion musicale aussi facilement, d'une simple loi, d'un simple décret, surtout quand on n'y connait rien", propos qui me paraît fort pertinent en ce contexte d'Hadopi. L'apologie de "pirates" me plaît assez, j'avoue.
Mais pour moi, il y a un réel décalage entre le propos écrit du film et le message qu'il véhicule réellement : soit c'est un choix de la production qui ne voulait pas faire un film engagé du tout, soit l'oeuvre a échappé aux auteurs et ils sont passés à côté de leur propre message.

Je réfléchis à ton deuxième point, j'avoue que je n'avais pas envisagé les choses sous cet angle. Pour moi, les nanas des années soixante en étaient encore à des lieues de l'émancipation : hystériques s'évanouissant en masse aux concerts des Beatles, jeunes filles papotant entre elles dans une chambre d'internat, serveuses ou secrétaires... voilà les images qui me viennent à l'esprit quand je pense à cette époque. De clichés, j'en conviens. Mais bon, je ne m'attendais pas à des amazones, des femmes flics ou des rockeuses... pas encore.

Mais non, ce n'est pas abusif, Schnouf ! Il y a toujours un message qui est véhiculé, à divers degrés, c'est tout. J'ai appris ça en cours de cinéma lorsqu'on étudiait les films américains de série Z des années soixante, qui se révèlent à l'analyse parfaitement subversifs malgré le jeu des comédiens sous-payés.

Mais je suis assez d'accord avec poussin, pour moi ce message à la fin n'est pas significatif. C'est un enrobage mal à propos qui fait très commercial lui-même, peut-être effectivement mis là pour atténuer le côté libérateur... mais ça ne rend pas justice à l'ensemble du film. Pour moi, j'ai passé un excellent moment et ça m'a donné envie de réécouter ces vieux standards. C'est drôle, léger et piquant, les personnages sont attachants.

Citation :

hystériques s'évanouissant en masse aux concerts des Beatles

Ca, je ne crois pas que ça ait beaucoup changé ! Il suffit de regarder toutes les vidéos de concerts de Michael Jackson dont on nous abreuve actuellement.

Non ! Pas les films de série Z. Ceux-ci étant tournés avec des budgets aussi dérisoire que le nombre de pages composant le scénario sans aucun propos subversif. Je parle en connaissance de cause étant amateur de nanars il m'arrive plus souvent de tomber sur des film de série Z tout simplement douloureux même pour un cerveau habitué, comme l'est le mien, tellement c'est mauvais.

Il s'agit plus d'une partie de la production de films de série B pour exemple :
La Nuit des Mort Vivants ou le plus récent Diary of the Dead (Chronique des morts vivants) de George A. Romero qui a toujours revendiqué faire des films "politiques".
Un peu plus ancien, en 1956, on a The Invasion of the Body Snatchers (L'Invasion des profanateurs de sépultures) (à noter au passage que le titre français est complètement à côté de la plaque) de Don Siegel. Le même qui quinze ans plus tard créera le personnage de l'Inspecteur Harry Callahan (Dirty Harry) classé un peu trop vite par certains dans la catégorie des fachos.

oll a écrit:

Citation :

hystériques s'évanouissant en masse aux concerts des Beatles

Ca, je ne crois pas que ça ait beaucoup changé ! Il suffit de regarder toutes les vidéos de concerts de Michael Jackson dont on nous abreuve actuellement.

Pour ce qui est de l'hystérie du public pas forcément besoin de remonter à la période faste de Mikael Jackson (entre le début des années 1980 et en gros jusqu'à 1992/93). Rappelez vous au milieu des années 1990 ces filles entrant juste dans la puberté complètement hystériques à la vue des boys band.

Merci pour la précision !
Concernant Dirty Harry, on en parle dans un autre topic.